mardi 6 février 2007

Mythologie de la Brigitte

Bulletin de la Société
de Mythologie Française
N°157
Actes du Congrès de Chateau-Chinon

J. CHRISTMANN

Noms contenant la racine "BRIG"

Brigitte : (Berhed, Biddie, Bride, Bridie, Bridget, Brighid, Brigide, Britt, Britta)

Le nom de Brigitte apparaît pour la première fois dans les textes du Moyen Age rédigés en vieil Irlandais. Dans les épopées, figure le nom de la déesse et, dans les Vies de saints, celui de la sainte. Ces récits furent composés à la même époque, du VIII e au IX e siècle et transcrits jusqu’aux XII e - XIV e siècles par des moines, héritiers de la tradition des bardes gaëliques. Une partie de ces traditions a peut-être été introduite en France, en Germanie et en Lombardie par des disciples de Saint Colomban (VI e - VII e siècle).




Cependant, à l’époque antique, il existait en Gaule et en Grande-Bretagne, une divinité qui semble correspondre à Brigitte et, bien que Brigitte paraisse d’origine insulaire, l’ancienne déesse celtique Brigantia a peut-être laissé certaines traces sur le continent. Les formes armoricaines Berhet ou Berc’hed sont assez proches, au point de vue simplement phonétique, de la Berthe continentale souvent attestée en France et bien connue en pays germanique (Bertha ou Perchta, “ la Brillante ”). Les fonctions de ces deux divinités, l’insulaire et la continentale, sont souvent similaires.

Cette étude sur Brigitte a été divisée en cinq partie :

1- Découvertes et toponymes antiques pouvant être mis en rapport avec une déesse indigène interprétée comme la Minerve romaine ou avec une divinité dont le nom paraît contenir la racine Brig.
2- Brigit dans l’épopée irlandaise du Moyen Age.
3- Sainte Brigitte de Kildare, irlandaise et chrétienne.
4- Brigitte armoricaine.
5- Brigitte dans les autres provinces de France.

I - Noms antiques paraissant contenir la racine “ Brig ”:

Brigida proviendrait de la racine celtique Brig signifiant “ force, puissance, autorité ”, qui paraît voisine du toponyme souvent utilisé : Briga (“ la hauteur fortifiée ”). Une divinité Brigantia serait attestée dans plusieurs inscriptions antiques de Gaule et de Grande-Bretagne, et une autre divinité, Bricta ou Brixia, est également attestée, dont le nom est traduit par “ la brillante ” (Ogam, 74/75, p.325), ce qui est aussi le sens propre de la Perchta germanique. Britta, diminutif de Brigitta, a-t-elle donné son nom au pays de Brittania ?

A Volvay (Côte d’Or), on a trouve Brigindu (J. de VRIES, La religion des Celtes, pp. 87-88).

Des localités antiques portaient le nom de Brigantium (Bregenz -Autriche- et La Corogne -Espagne-). On trouve aussi Briginnae près de Brignon (Gard) (A. GRENIER, L’Archéologie du sol, T.2, p.681).

L’Histoire de la découverte de la statue gallo-romaine de Kerguilly-en-Dineault (exposée au Musée de Rennes) mérite d’être rapportée : En 1913, un agriculteur, défrichant une parcelle de lande sur les flancs du Menez-Hom au lieu dit Gorre Arc’hoad, mit au jour une tête de bronze. Le casque, bien que de type celtique, portait la figuration des trous de visée caractéristiques du modèle grec, ainsi qu’un très long cimier destiné à porter des plumes (voir un exemple classique de la Minerve-Athéna dans la statuette du sanctuaire des Bolards, à Nuits-Saint-Georges, Côte d’Or). Très exceptionnelle est la base du cimier qui figure un oiseau prenant son vol (une oie sauvage ?). Après la Grande Guerre, le même agriculteur entreprit de rechercher le reste de la statue à l’endroit de sa première découverte. Il trouva, dans une cachette, le corps revêtu d’une longue robe à plis sans ceinture, deux bras nus encore en place et des pieds chaussés de sandales. La statue aurait mesurée 70 cm, mais était malheureusement en très mauvais état et elle souffrit encore dans local humide. L’ensemble fut donné à un médecin en 1935 et, pendant la seconde guerre mondiale, à nouveau enfoui pour échapper à la récupération des métaux non ferreux. Los de l’exhumation, en 1945, le corps en tôle de bronze était en si mauvais état qu’il ne fut pas conservé. En 1972, les pièces qui subsistaient furent acquises par le musée de Rennes. Les archéologues ont voulu, pour cette fois, faire oeuvre de mythologie en surnommant cette remarquable statue “ Brigitte du Menez-Hom ”. La datation la plus vraisemblable paraît correspondre à la seconde moitié du premier siècle après Jésus-Christ. Le casque et la position des bras qui tenaient sans doute une lance et un vase, permettant d’affirmer qu’il s’agit de la représentation de Minerve, mais ne permettent pas de préciser le nom de la divinité locale que l’interprétation romaine avait assimilée à Minerve.

D’autre part, les membres supérieurs ainsi que les pieds paraissent trop petits. Etaient-ils vraiment en place lorsque la statue fut découverte ? Des pièces hétéroclites ont-elles été rassemblées par un fidèle, désireux de les soustraire à un pillage imminent ? Ou la disproportion des membres correspond-elle à une intention originelle ? L’oie sauvage qui paraît figurer à la base du cimier évoque sans doute le nom celte de la déesse Dana - De Ana = Déesse oiseau ou Dame Oie ? Sur la Dame Oie, il faut consulter les travaux de M. Henri Fromage. Au Moyen Age, Ana est confondue avec Sainte Anne (sanctification) ou avec Diana, symbole de divinité païenne.

Il faut ajouter cette légende locale qui rapelle peut-être la présence d’un sanctuaire ancien : le roi Marc’h avait une dévotion toute particulière à Sainte Marie et lui aurait fait construire une très jolie chapelle sur les flancs du Menez-Hom (Y. BREKILIEN, la mythologie celtique, p. 303).

Egalement difficile à interpréter est la pierre votive découverte dans les fouilles de la Brigachquelle (la source de la Brigach), près de Donaueschingen, la Brigach est un petit affluent du Haut Danube, dans un environnement très riche en vestiges celtes et celto-romains (Badische Heimat, die Baar, 1938 ; H. ERIS BOSSE). Le Pays de Baar est situé à l’Est de la Forêt Noire. D’après Tite-Live, la forêt hercynienne fut peuplée, au VI e siècle avant J.-C., par les expéditions du Gaulois Ségovèse. Brigach suppose une forme celto-romaine Brigacum durant la période germanique, comme il est fréquent dans les pays rhénans. Quant aux figurations du relief, elles correspondent apparemment au buste de la déesse encadrée de deux têtes représentant, vraisemblablement, un vieux et un jeune amant. Les trois personnages, sont accompagnés de trois animaux ; peut-on attribuer à la déesse l’oiseau, à la vieille divinité le cerf, à la jeune le lièvre ? Les études sur la mythologie du cerf sont nombreuses ; le “ brâme ” du cerf a lieu à l’automne ; quant au lièvre, on connaît ses ardeurs printanières : à cette époque, les lièvres “ bouquinent les hases ”.

L’archéologie et la toponymie posent le problème de la ressemblance phonétique entre le nom de Brigitte et celui de Brice. A Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône), ont été découvertes, dans les ruines des thermes romains, des stèles votives aux divinités LUSSOIUS et BRIXIA (ou BRICIA) (M. DONJON, De Luxovium à Luxeuil-les-Bains).

En 1936, j’ai participé à des fouilles (qui furent pour moi les premières) sur l’oppidum protohistorique du Britzgibari, au-dessus d’Illfurt (Haut-Rhin). Cette colline du Sundgau fait partie de celles qui, selon les dires populaires d’Alsace, servaient de lieux de rendez-vous aux sorciers et sorcières (voir La paille et le feu, de BARDOUT). Pour combattre cette mauvaise réputation, le christianisme a placé en ces lieux un saint protecteur dont le nom semble présenter quelque rapport avec les anciens cultes : le Baptiste ou Sébastien au Bastberg, Sainte Apolline au Bollenberg-Apollon pour Bélénus, saint Brice au Britzgi où sa chapelle domine les lieux ; Brice ou Bris, successeur de Saint Martin, dont le nom Brictius ou Bricius contient, comme Brigitte, la racine “ Brig ”. Encore plus éloignée, en Gaule cisalpine, Brescia (Italie) est une ancienne Brixia. Il faudrait aussi examiner Brixen au Tyrol et Brix en Normandie.

II - Brigit dans l'épopée Irlandaise

Dans les récits légendaires transcrits au Moyen Age, Brigit est la fille du Dagda, le dieu-chef des Tuatha dé Danann. Or, Dana, la mère de tous les dieux, peut certainement être assimilée à Brigit. Cela montre qu’il ne faut pas considérer les généalogies divines d’un point de vue réaliste. Ou bien, faut-il considérer que Dana a engendré tous les dieux sauf Dagda ? La situation se complique si l’on considère que Brigit est indentique à Boand (la génisse blanche : une génisse est une jeune vache qui n’a pas encore mis bas) et que Boand a conçu de Dagda le jeune dieu Mac Oc (alias : Bélenos, Mapponos, Borvo en domaine gaulois).

Brigit est également la mère d’une triade masculine. Et de plus, elle se manifeste souvent sous la forme trinitaire : la triple Brigit est barde, médecin, forgeron, métiers qui exigent un grand pouvoir magique.

Dans ces fonctions, elle correspond à la Minerve romaine mais ses attributs religieuses paraissent aussi s’étendre à un domaine plus vaste : celui du renouveau de la fertilité. Brigit préside à la fête celtique d’Imbolg (gonflement, sac, vessie gonflée bien à sa place le 1er février ; voir les travaux de Claude GAIGNEBET), fête encore nommée “ Imbfolc ” et qui correspondait à une cérémonie de purification par le feu, que l’on peut comparer aux feux lustraux romains de Februa (Février), et qui se situait le 1er février, au début de la saison où les brebis allaitent, “ Oïmelc ”, ce qui évoque une fête de la lactation et de la fécondité (J. de VRIES, La religion des Celtes). La grande déesse responsable de la fécondité de la nature se manifeste également sous les noms de “ Belisama ”, la très brillante, ou de “ Rigantona ” - “ Rigantona ” - “ Rigani ” - la grande reine. Sa transformation saisonnière en oiseau paraît constituer un des grands mythes de la religion celtique (Y. BREKILIEN, La Mythologie celtique). Sébillot rapporte qu’une jeune fille, poursuivie par un seigneur, avait invoqué Sainte Brigitte et l’avait suppliée de la changer en cane (B.S.M.F., XLIII, H. DONTENVILLE, Le chevalier au cygne).

III - Brigit Irlandaise et Chrétienne

Sainte Brigitte ou Brigid (453-523), dont la fête se célèbre également le 1er février, fut l’abbesse fondatrice du double couvent de moines et de nonnes de Kildare (= l’église du chêne). Dix-neuf nonnes veillèrent là, jusqu’au XIII e siècle, sur un feu perpétuel de bois de chêne. Sainte Brigitte était la vingtième, et l’on connaît l’importance du chiffre 20 dans la numération celtique. Les historiens évoquent la flamme perpétuelle de la déesse solaire Sul, que l’auteur latin Solin assimile à Minerve et dont le temple était situé aux sources de Bath (Grande-Bretagne). J.M. Hans signale que la tradition place également à Remiremont (Vosges) un feu perpétuel analogue à celui de sainte Brigitte (B.S.M.F., CXLIII, J.M. HANS, Les céphalophores Leuquois). La présence dans les Vosges de ce culte igné ne doit pas nous étonner puisque saint Colomban, venu d’Irlande en France en 590, avait placé son ermitage et son monastère à Luxeuil et à Anegray (hameau proche de Faucogney-la-Mer, 70310), au pied d’un oppidum antique (la Montagne de Saint-Martin) et que Remiremont est peu distant de là (32 km). La sainte lumineuse du Saint Mont de Remiremont est “ Sainte Claire ” (J.M. HANS, B.S.M.F., juillet-septembre 1983)

IV - Brigit Armoricaine

M. Henri Fromage rappelle que Saint Gildas se contentait d’une pierre tonnante (ou sonnante), ce qui ne l’empêcha pas d’offrir une cloche à Saint Cado et d’en fondre une autre destinée à Sainte Brigitte en Hibernie (B.S.M.F., n° LVII, H. FROMAGE, La cloche de Notre-Dame).

En Bretagne, Sainte Brigitte est devenue Santez Berc’hed ou Santez Berhet. De nombreuses chapelles, des fontaines et des pierres sacrées lui sont dédiées. Des bourgs et des hameaux portent son nom, parfois curieusement déformé par les cartographes et les lettrés (Le Béret, lieu-dit près de Douarnenez) ; les pierres beurrées ou beurettes laisseraient supposer la coutume d’enduire ces pierres de beurre, comme cela se pratique aux Indes. En fait, dans un cas précis, l’endroit où se trouvait cette pierre (disparue) était dit “ Brehet ” ; dans le bois de Brehet, il y avait une chapelle avec une vieille statue. Dans le parler local, Berhet se prononce Beurhet (B.S.M.F., n° XLV, Carte mythologique de la Loire Atlantique, Trescalan). Ces invocations à Sainte Brigitte ne permettent pas d’affirmer la survivance d’une Brigitte celtique et antique, mais la question reste posée.

A Madrignac, près de Langon (Ile-et-Vilaine), Sainte Brigitte a la fonction de faire enfler le pis des vaches et de favoriser la lactation (B.S.M.F., n° CXVII, M. LASCAUX, “ Christianisation du culte de Vénus à Langon ”).

La Brigitte Irlandaise régit les activités féminines telles que le filage et le tissage, comme son homonyme armoricaine et la Berthe continentale (ancien allemand : Virtel = Berthel = Fuseau).

Les stèles du pays de Locoal Mendon (Morbihan) sont des monuments protohistoriques, parfois phalliques, comme la stèle de Prostlon, souvent réutilisés par les Bretons christianisés qui y gravèrent des croix et des épitaphes ou s’en servirent comme bornage. La colonne “ Kegill ha gourhed Berhed ” - 3 m et 0,75 m - le fuseau et la quenouille de Brigide, paraît appartenir à l’une de ces catégories et porte une croix gravée.

Une chapelle dédiée à Sainte Brigide s’élève au centre de la presqu’île du Plec. Au chevet de cette chapelle, se trouve une pierre de Sainte Brigide avec une inscription “ iagu ” et une croix gravée. Au sud de la chapelle, est située la fontaine monumentale de Saint Brigide.

Il y a aussi, à Langon Brach, dans la même région, une “ Crux Britiet ” (2 m). Elle porte une inscription qui désigne Britiet comme épouse d’un certain Ribet : “ Crux Britiet Mulieris Ribet ”. J’ai visité la chapelle du Plec en 1972, époque à laquelle le “ remenbrement ” transformait en “ plat pays ” la Bretagne des chemins creux. A l’intérieur du sanctuaire, se trouvaient des cantiques à sainte Brigitte de Suède, cette reine du XIV e siècle qui mérite mémoire pour ses visions et ses prophéties et qui mourut en pélerinage à Rome. Cette substitution pose la question suivante : s’agit-il d’un exemple du pardon des offenses (puisque les Normands ravagèrent cruellement le pays au X e siècle, ce qui força les moines à emporter bien loin les reliques de Saint Goal) ; ou bien est-ce un oubli des traditions ? (sainte Brigitte de Kildare ne figurait plus au martyrologe romain ?) (Abbé LE TALLEC et HENRIO, Souvenir de Locoal à Vannes, Locoal).

D’autres stèles, relevées en divers endroits de Bretagne, sont consacrées à Brigitte. L’une d’elles, qui fut découverte à “ la Croix de la Montagne de Justice ”, sur la route d’Auray à Carnac, porte une inscription qui commence ainsi : “ Lap(i)dem Berch ” (voir dans Histoire et Guide de la France Secrète, A. Michel et J.P. CLEBERT, p.79).
S’agit-il de l’épitaphe d’un tombeau sur une stèle réutilisée ou est-ce un exemple de la christianisation d’une pierre jadis liée à des croyance païennes et qui servit par la suite de bornage ?
“ La sainte chrétienne a conservé tous les caractères de l’antique déesse-mère. C’est elle qui procure l’abondance aux paysans, signant les visites qu’elle fait à leur foyer de la trace de son pas dans la cendre ” - ce qui évoque de nombreux récits d’êtres doués d’un pied ou d’une chaussure peu ordinaires - “ Elle préside aux accouchements et la légende populaire en fait même l’accoucheuse de la Vierge ” (Y. BREKILIEN, La Mythologie Celtique, p.53) ; affirmation qui se retrouve dans les cantiques. La légende nous rapporte qu’elle était née sans bras ; des bras lui poussèrent miraculeusement pour lui permettre de recevoir le divin enfançon (Y. BREKILIEN, id°). Cette légende de la “ fille sans bras ” est-elle une réminiscence des mutilations subies par Boand (voir plus loin) ?

Non content de la décréter soeur de saint Patrick, on l’appelle “ la Marie des Gaëls ”. Un cantique en son honneur l’intitule “ Mère de mon Grand Roi ”. Elle est l’incarnation de la maternité (D. LOYER, Les chrétientés celtiques, coll. Mythes et Religions).

Kannen Santez Berhet

REFRAIN

Patromez vat, Santez Berhet,
Ni hou karou perpet ;
Goarnet ni ol hou pugalé
Ha douget ni d’en Né.

E Bro Suèd, pel a zoh hur bro Frans,
E oh’ gannet a dug ag en noblans ;
Mès aveid-oh’ e kevér gréseu Doué,
Madeu en doar e oé treu didalve.

Cantique et Vie de Sainte Brigitte

Patronne de la Chapelle du Plech en Locoal

REFRAIN

Sainte Brigitte, ô Puissante Patronne,
Du haut des Cieux écoute nos accents ;
Et sur ce coin de la terre bretonne
Veille toujours et bénis tes enfants. (bis)

I

Bien loin de France, au pays de Suède
Tu vis le jour sous de riches lambris ;
Mais à tes yeux tout ici-bas le cède
Aux biens d’En haut, à ces biens infinis.

V - Sainte Brigitte à travers les autres provinces

L’invocation à Sainte Brigitte paraît plus fréquente dans le quart nord-est de la France et dans toutes les régions qui subirent l’influence des fondations de Saint Colomban. Brigitte protège souvent des sources et, comme de nombreuses figures divines, elle est la sainte patronne des eaux guérisseuses. A Sainte Colombe en Auxois, les pèlerins du Clunisois qui se rendaient à Alise-Sainte-Reine s’arrêtaient à la source de Sainte Brigitte. A Courchamp, sous le choeur de l’ancienne église, coulait la source de Sainte Brigitte, fréquentée par les jeunes mères (B.S.M.F., n° X, La Côte-d’Or).

L’église de Nogent-les-Vierges, (Nogent-sur-Oise) aurait été bâtie sur les tombeaux de Sainte Maure et de Sainte Brigide. Les boeufs, allant à la fontaine sacrée, ont ici aussi, révélé l’endroit de la sépulture des saintes (B.S.M.F., n° XX, A. LAMONTELLERIE, Les bovins et la mythologie). A Givenchy-le-Noble, dans le Pas-de-Calais, sainte Brigitte était invoquée pour tous les animaux de la ferme, sans doute à cause de la vache, son animal compagnon, et de la proximité des fêtes du lait, “ Notre-Dame de Creelait le 2 février, lactation de Saint Bernard, Sainte Agathe aux mamelles ” (B.S.M.F., n° 15, Carte Mythologique de la France, Pas-de-Calais).

Enfin, Brigitte a été rapprochée de Béatrice, une jeune fille aux dons exceptionnels de brodeuse et, de plus, la mère de Garin le Lorrain, alias Lohengrin, le Chevalier au Cygne (B.S.M.F., n° CXXXVIII, Ph. Walter, Hervis de Metz, une épopée mythologique).

Il faut relire également le passage entier de l’article de J.M. Hans (B.S.M.F., n° CXLIII, Les céphalophores Leuquois) où celui-ci nous rapporte la légende de Saint Gengoul ou Gengoult, cavalier et chasseur dont la femme infidèle est condamnée à plonger la main dans une fontaine de vérité et la retire brûlée. Finalement, assassiné par son rival, saint Gengoul, qui a des rapports avec le cerf, est le patron des maris trompés, comme Cernunnos, le dieu à la ramure de cerf. En Lorraine, saint Gengoul veille sur de nombreuses sources et fontaines curatives en pays Lingon. Dans le Jura, au pied du Mont Roland, près de Dôle, se trouve le château de Philibert de Parthey, amant de Brigitte, femme de saint Gengoul (notons que le saint Philibert normand est le guide spirituel de sainte Austreberthe).

Un élément absent de la légende du saint Gengoul Lorrain apparaît dans celle du saint Gangolf Alsacien (M. BARDOUT, La paille et le feu). Après l’épisode de la fontaine de vérité, Gangolphe enferme son épouse dans une peau de vache et la jette dans la rivière Lauch. Boand, la vache blanche, Bo-vinda, personnification de la rivière irlandaise Boinne ou Boyne, est aussi sous la tutelle d’un dieu jaloux, Elcmar, et elle est l’amante de Dagda, le dieu-chef des Tuatha De Danaan. A l’instar de Brigitte, son avatar, Boand doit tremper ses membres dans une fontaine mutilante, la source sacrée de la Boyne qui est une sourceSource de flammes. Boand y perd un bras, un oeil, une jambe et la source la poursuit jusqu’à la mer. A ces troublantes similitudes, il faut ajouter que Boand est la mère du Mac Oc, le jeune Apollon celtique (alias Grannus ou Borvo, alias Oengus) dont Dagda est le père. Dans l’épopée Irlandaise, Elcmar parvient à évincer Oengus de sa demeure, le sid Brug na Boinne (le tumulus de Newgrange) “ Encore une fois, nous retrouvons la triade dieu géôlier, déesse des eau prisonnière, dieu libérateur ” et il faut rappeler les conclusions de Henri Fromage au sujet de la fée oiseau (B.S.M.F., n° LXV, H. FROMAGE, Sainte Enimie et le Drac) : “ C’est pour s’éloigner d’un vieux mari de l’au-delà, aussi tracassier qu’inattentionné, et pour provoquer un jeune héros de ce monde-ci que la fée se mue en oiseau. La forme d’oiseau et la voie d’eau sont les moyens de passage de l’autre monde en le nôtre...
La mythologie française nous conduit à approuver partiellement les déductions de J.J. HATT... la déesse-mère épousait à date fixe, chaque année, le dieu céleste pour le tromper ensuite, quelques mois plus tard, en passant du ciel sur la terre pour s’unir d’amour avec le dieu chtonien. La mythologie française, appuyée sur la mythologie irlandaise prouve plutôt... ” ... le contraire, mais il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un mythe saisonnierSaison, donc cyclique.

Pour finir, un conte intitulé “ Sainte Brigitte ” a été recueilli dans les Pyrénées audoises (B.S.M.F., n° CXVIII, A. DESCHAMPS, La Vielha morta) et serait une version du “ conte n° 706 ” : La fille sans bras, contaminé par d’autres types. Brigitte, qui a épousé un jeune noble, est en but à la méchanceté de sa belle-mère. On reconnaît dans ce dernier thème celui, fréquent par toute la terre, de l’épouse persécutée, thème que l’on retrouve dans la légende de Berthe au Grand Pied et dans celle de Geneviève de Brabant.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Très bonne étude.
Dommage qu'il y ait tant de fautes.

MASSON a dit…

Votre remarque a été entendu et le texte corrigé.

euphrone a dit…

il y a dans le village Sainte Colombe en Auxois une fontaine sainte Brigitte
des pèlerins y passent régulièrement
la racine celte que vous indiquez m interpelle.

Anonyme a dit…

Cher Monsieur,
Votre texte est passionnant. Connaissez vous le vitrail de l’église de Lierneux en Ardenne qui présente une Sainte Brigitte qui fait fleurir le plancher de sa chambre et les meubles de sa maison, évoqué par Claude Sterckx, dans Arduenna, 1994?
Continuez à enrichir votre document, et si possible faites-y figurer vos références.
Cordialement
Philippe Roch