mardi 6 février 2007

Mythologie de La Geste

La Geste

Bulletin de la Société de Mythologie Française
N° 158 1990
Les Montres et les Saints Saurochtones
Paul Verdier

Est-il possible de penser qu’une définition de la notion de Geste soit impensable ? Bien sûr que non ; et voici pour quoi. Pline, dans un texte célèbre, nous donne les éléments pour déterminer cette notion de Geste, par sa définition du début du calendrier des Celtes :
« Ce doit être avant tout au sixième jour de lune, qui marque chez eux le début du mois, des années et des siècles, qui durent trente ans, jour choisi parce que la lune est déjà dans toute sa force sans être à mi-course ».

(Histoire naturelle, livre XVI, p. 99, trad. de J. André, les Belles Lettres, Paris, 1962)
Ce texte est fort connu ; essayons d’y lire les conséquences que j’en tire pour mon propos :

- Juste avant ce passage, Pline parle d’une cérémonie celtique à un solstice, normalement d’hiver. On voit donc un aspect calendaire celtique que je considère comme essentiel : il existe des points temporels que l’on définit à leur époque par une conjonction astronomique entre une position de la lune et une autre du soleil. En l’occurence, le point ici défini et qui est uniquement religieux, est dédié à un Dieu auquel on offre un certain nombre de sacrifices que Pline expose assez succintement. Ce qui me retiendra est la manière dont le point temporel religieux est défini.

- Il est assez rare, dans une religion, que soit défini un espace de foi à partir d’une double position d’astres ; et cette définition est surtout extraordinairement précise dans l’Histoire des hommes. La conjonction du soleil au solstice d’hiver et de la Lune au premier quartier est un fait rare, suffisamment pour qu’il soit remarquable. (Masson 1998 : ce phénomène a eu lieu le 21 Décembre 1997 , dix ans après cet article !)
- A partir de là, on peut se poser la question de savoir quand se reproduira la même situation. C’est un problème plus mathématique qu’astronomique, même s’il est lié à la question du cycle de Méton... La réponse à ma question est que ce point réapparaît, dans les mêmes conditions exactement de manière cyclique. Définir une Geste, Vie d’un Dieu, c’est apporter la réponse à cette question. Une Geste est donc la solution d’un problème de mathématique.

Les données de ce problème sont fort simples :

1- Pour se retrouver à la même place, la lune a besoin d’un temps relativement bref, un peu supérieur à 29 jours que l’on appelle la lunaison.
2- Pour le soleil, les conditions sont différentes : une position solaire remarquable, comme les équinoxe et les solstices, se retrouve tous les 365 jours environ ; c’est ce qui définit du reste l’année solaire.
3- Si l’on cherche à définir l’année lunaire, on doit admettre qu’elle contient 12 lunaisons, soit un peu plus de 354 jours.
4- De telle sorte que, lorsque l’on définit le premier jour d’une année par une double position du soleil et de la lune, au bout d’une année solaire « habituelle », la lune ne saurait être à sa place, à cause du décalage de 12 jours à peu près que l’on constate. Et tous les ans, le décalage de 12 jours se retrouvera. (Masson 1998 : normal puisque une année fait en réalité 12 jours de plus que 365 !)
5- Définir un point temporel par deux positions astrales, quand une seule est nécessaire, est un luxe qui implique un certain nombre de conséquences :

- La plus importante est qu’il va falloir prendre en compte le décalage entre les deux courses astrales et éventuellement s’imposer de les compenser (1ère solution) ou de les maintenir à écart constant (2ième solution). Mais dans cette seconde solution, il faudra encore envisager de compenser une partie de l’écart, pour que, par exemple, on définisse un cycle temporel plus vaste qu’une année dans lequel aura été maintenu constant l’écart initial des douze jours. C’est la situation qu’ont voulue apparemment les Celtes avec le système qui nous a été conservé par la plaque de bronze du Calendrier de Coligny.

- Il faudra aussi que le montage mathématique tienne compte des mouvements de la lune et de la périodicité de ceux-ci ; autrement dit, il faut que puisse s’appliquer le « cycle de Méton ». Ainsi, le temps minimum qui sera retenu pour une Geste, devra être un multiple de 19 ans. Alors, la lune sera de nouveau revenue à la place qu’elle avait à l’origine.
- Les deux conditions sont simples à remplir : le temps sacré retenu doit être tel que le nombre de jours « solaires » qu’il contient divisé par le retard minimum entre le soleil et la lune (constamment de 12 jours) nous offre un quotient qui soit multiple de 19, valeur approchée du cycle de Méton. Le résultat est le suivant : la première combinaison qui remplisse ces conditions ne peut être qu’avec 5 années solaires. 5 fois 365, ... jours font 1826, qui divisés par 12 sont 152. Ce dernier nombre est le premier multiple de 19 que l’on rencontre ; même si l’opération est inexacte, puisqu’il y a alors un reste de 2.

- Dans ce cas, le nombre de « jours lunaires » est de 5 x 355 = 1775 jours. Alors, l’écart de 12 jours entre la course du soleil et celle de la lune n’est pas respecté, puisqu’il est de 51 jours par cumulation : il faudra donc ajouter au nombre de jours lunaires un nombre tel de jours qu’on puisse conserver d’une part l’écart de 12 jours et d’autre part qui soit suffisamment proche d’un nombre entier de mois pour que cela ne choque pas. 2 mois de 30 jours sont 60 jours, auxquels il convient d’ajouter le reste précédent de 2 jours. En rajoutant au nouveau calendrier un troisième jours supplémentaire, on maintiendrait l’écart de douze jours souhaité.

- Ce qui veut dire qu’en prenant un cycle de 5 années « lunaires de chacune 12 mois », en les complétant par deux mois de trente jours et 3 jours à répartir encore dans l’ensemble ainsi composé, on obtient le résultat souhaité. C’est exactement le montage du calendrier de Coligny. Les deux mois rajoutés sont appelé supplémentaires par la critique contemporaine.
- La durée totale d’une Geste sera alors de 152 cycles ainsi définis (1826 jours solaires : 12 = 152)...

On a ainsi deux éléments de comptage du temps l’un et l’autre très importants :

- L’élément de base du Temps sacré que l’on trouve dans le calendrier de Coligny, et qui est le « cycle quinquennal de base » de 62 mois.
- La durée totale d’une Vie de Dieu, système parfaitement répétitif, et qui est de 152 cycles quiquennaux (soit 785 ans actuels à peu près) et qui est la valeur de ce que les textes du Moyen-Age appellent l’Eternel Retour...

Masson 1998 :

Si ce chiffre s’appelle l’éternel Retour, c’est qu’il correspond à l’âge du Christ. Or nous savons parfaitement que cet âge est de 33 ans. Faisons 785 x 33 = 25905 ans. Ce chiffre connu de l’Antiquité s’appelle la Grande Année qui désigne une conception cyclique de l’univers. C’est le phénomène de la Précession des équinoxes, et selon lequel le soleil habite tour à tour dans les douze constellations du zodiaque (c’est-à-dire se lève lors de l’équinoxe du printemps dans un ordre inverse à celui de l’année astrologique : alors que se suivent par exemple, les signes des Poissons, du Bélier et du Taureau, le soleil a occupé successivement le Taureau, le Bélier puis les Poissons), a montré en effet qu’il fallait à peu près 25920 ans pour que le soleil revienne occuper la même place, décrivant de la sorte ce que l’on a appelé un cycle cosmique. Cette Grande Année (
magnus annus) se divise elle-même en douze mois cosmiques de 2160 années solaires normales, chacun de ces « mois » correspondant à la traversée par le soleil de l’un des signes du zodiaque.

La différence 25920 - 25905 = 15 années est le résultat du calcul approximatif de Paul Verdier. En effet, 25920 / 785 = 33,01910828025 ans, les chiffres derrières la virgule représentent cette erreur car 0,019108280255 x 785 = 15,00000000018 ans ! Ce chiffre n’est donc absolument pas négligeable et ne doit en aucun cas « être arrondis » comme l’a malencontreusement fait l’auteur.

Ensuite, on peu s’amuser a faire des additions et des soustractions et observer l’Histoire :

etc...
- 6683 - 785 = - 7423
- 5853 - 785 = - 6638
- 5068 - 785 = - 5853
- 4283 - 785 = - 5068
- 3498 - 785 = - 4283
- 2713 - 785 = - 3498
- 1928 - 785 = - 2713
- 1143 - 785 = - 1928
- 358 - 785 = - 1143
427 - 785 = - 358
1212 - 785 = 427
1997 - 785 = 1212

1997 + 785 = 2782
2782 + 785 = 3567
3567 + 785 = 4352
4352 + 785 = 5137
5137 + 785 = 5922
5922 + 785 = 6707
6707 + 785 = 7492
etc...

Ce qui est étrange c’est que pour moi tout à commencé le 19 Août 1996, mais c’est bien courant 1997 que l’initiation a réellement eu lieu. Cette étude a de plus été écrite le Mardi 29 Décembre 1998 dans l’après-midi. A 16h33 j’ai pris une photo de la lune, presque pleine (elle le sera le 2 janvier) alors que le 24 Décembre, 2 jours après le solstice d’hiver, elle était à son Dernier quartier ! Je renvoie également le lecteur au Tombeau du Soleil au chapitre de « mes expéditions au levant » les 13 et 19 Décembre 1997.

Suite du texte :

Je rappellerai enfin que le cycle quinquennal que je viens de définir ne peut être qu’un élément fondamental mais exclusivement dans la religion, puisqu’une telle notion n’a rien à voir avec un comptage temporel « laïc ». Cet élément de base est le lieu où l’on peut suivre à l’échelle de la vie de l’homme tous les événements de la Geste divine dans un raccourci saisissant. Et les deux mois que l’on a réjoutés, à condition de les placer selon un vaste plan concerté, peuvent devenir le lieu de référence dans lequel se « révèlent » toutes les fêtes divines.

- Ces fêtes seront forcément définies par une conjonction reconnue entre une position remarquable de la lune et une autre position remarquable du soleil.
Je n’indiquerai pas ici comment fonctionne en détails, selon moi, un tel système ; mais son exploitation et celles de toutes les conséquences « logiques » qu’il en faut tirer sont l’objet de mon travail en ces années.
Dans la suite des temps, on voit que vont défiler dans les mois intercalaires et « être révélés », les temps remarquables du soleil, c’est-à-dire, dans l’ordre logique du système (les fêtes solaires rétrogradant dans le temps sacré),

- solstice d’été (que je prends comme point d’origine pour un certain nombre de raisons)
- équinoxe de printemps,
- solstice d’hiver,
- équinoxe d’automne
etc...

Deux mois intercalaires sont deux fenêtres à travers lesquelles presque simultanément on peut « visionner » le double passage de deux fêtes ; c’est-à-dire que deux Gestes divines peuvent défiler « en même temps » sous nos yeux, dans l’espace restreint d’un cycle quinquennal. Le décalage entre les fêtes est alors celui des deux mois intercalaires : dans le calendrier de Coligny, il est de 31 mois...

Les Celtes ont alors installé un troisième système, permettant de faire défiler une autre double série de fêtes dans les deux mêmes intercalaires, en décalant ces fêtes par rapport aux autres : ce sont les quatre grandes fêtes celtiques, Imbolc, Beltène, Lugnasad, Samain, qui ne sont pas autre chose que des fêtes solaires décalées de 5 phases de lune par rapport aux fêtes officielles.
De sorte qu’au lieu d’avoir dans une Geste divine quatre fêtes seulement, on doit en compter huit, les quatre dernières s’intercalant entre les autres. Cela veut dire encore qu’on continuera de distinguer deux types de dieux : les « Grand dieux » dont les fêtes sont les grandes fêtes solaires de l’année : les Adjuvants de ces dieux, dont les fêtes sont celles que les Celtes ont mis en place « arbitrairement »... Et les Adjuvants du système se fondent en fait en une seule personnalité divine, double, qui porte le nom de Lug dans la théologie...

Où se situe l’événement mythique, objet de cet article ? Saint Georges et son Dragon, les aventures de Peau d’Ane, se rencontreront grossièrement (car il faut affiner davantage cette position) au moment où un équinoxe de printemps d’un grand dieu approchera d’un beltène de Lug...

Cénevières, le 4 Mars 1987

Masson 1998 : L’événement mythique pour que Saint Georges ait « la peau du Dragon » se situe 6,5 jours après la période du solstice d’été (du 2 au 8 Juillet) et inversement pour avoir la Peau de l’Ane : 6,5 jours après la période du solstice d’hiver (du 1er au 6 Janvier).

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